XII
L’AMOUR ET LA HAINE

L’amiral Sir George Beauchamp tournait le dos à la pièce haute de plafond et observait avec dégoût Whitehall qui s’étendait sous sa fenêtre.

Il faisait froid et humide, mais la rue était remplie de voitures et de charrettes, de silhouettes engoncées, emmitouflées, de chevaux qui chassaient des jets de vapeur. Pour l’esprit clair et organisé de Beauchamp, tout cela était un désordre inouï.

Bolitho s’assit dans un fauteuil au grand dossier droit et essaya de ne pas se palper la cuisse.

La route avait été longue depuis Swinburne, à la limite du Hampshire et du Surrey. Une fois n’est pas coutume, Browne s’était montré bien piètre compagnon et avait passé son temps à grogner ou à pester chaque fois qu’une roue tressautait dans un trou.

Lorsqu’ils avaient fait halte dans une auberge, à Guilford, Allday lui avait glissé, tout guilleret :

— Votre plan a marché, amiral, il fait une tête de cent pieds !

On avait introduit Bolitho dans cette pièce en le pressant un peu et il avait vu un malchanceux se faire refouler en arrivant en haut des marches, alors que lui avait pris rendez-vous.

Beauchamp lui avait vigoureusement serré la main tout en l’inspectant pour jauger son état, un peu comme un cavalier examine un vieux roussin.

Puis, croisant ses doigts parcheminés, il s’était : tassé dans son fauteuil trop grand pour lui et avait écouté Bolitho lui raconter ses combats, l’attaque de la frégate française ainsi que la rencontre avec l’escadre de Ropars.

De temps en temps, Beauchamp se penchait pour vérifier quelque point ou faire un rapprochement avec une note, un extrait des dépêches de Bolitho. Mais il ne l’interrompit pas une seule fois.

Bolitho conclut en lui disant :

— J’aimerais insister sur le fait que ces succès sont dus au sens de l’initiative et à la compétence de mes commandants.

Beauchamp quitta son poste d’observation près de la fenêtre. Il s’en était approché alors que Bolitho terminait son exposé, comme s’il attendait un signal ou pour se donner le temps de se faire une opinion.

— J’ai entendu parler de votre ami Inskip, commença-t-il brusquement. Vos manières de faire semblent très éloignées de sa conception de la diplomatie – il esquissa un sourire. Tout ceci a causé dans les coursives de Saint James et de l’Amirauté bien plus de conciliabules que lorsque ces Français ont coupé la tête de leur roi ! – et, pinçant les lèvres : Il se trouve des gens pour prétendre que votre attaque de l’Ajax était un acte d’agression dans les eaux neutres. Le tsar Paul de Russie s’en est certainement servi pour faire avancer son projet : devenir l’allié de Bonaparte. Si les batteries danoises avaient ouvert le feu sur le Styx lorsque vous êtes entré à Copenhague, nous aurions immédiatement eu la guerre. Et une guerre que nous aurions eu beaucoup de mal à contenir, sans parler de la gagner, avec tous nos autres engagements. Non, Bolitho, il y a des gens qui se demandent si le choix que j’ai fait du commandant de l’escadre côtière n’a pas été hâtif, pour ne pas dire stupide.

Bolitho regardait par-dessus le dossier de l’amiral, la fenêtre, l’eau qui ruisselait sur les carreaux.

Les dents serrées, il revoyait cet officier fusilier, les mains rouges de sang posées sur son visage. Le jeune enseigne du Benbow qui s’était fait arracher la mâchoire. Et d’autres visages encore, des visages enflammés par la haine et par la terreur que leur inspirait le combat. Il les revoyait tous, toutes ces âmes emportées par tant de tourments. Et tout cela pour rien. Le tsar Paul avait perdu les six bâtiments dont il s’était emparé illégalement, mais la vengeance rapide comme l’éclair du Styx lui avait donné le levier dont il avait besoin.

— Revenons un instant à votre rencontre avec l’escadre de Ropars.

La voix sans appel de Beauchamp ramena Bolitho sur terre.

— Mes sources me disent que ce transport français était effectivement chargé de soldats qui devaient aller aider et entraîner l’armée du tsar. Votre action a entraîné la destruction de ce soixante-quatorze en particulier, vous avez dispersé les bâtiments de Ropars Et il a également perdu une frégate en rencontrant l’escadre de blocus de la Manche.

— Pour cela du moins, amiral, on me donne quitus ?

Bolitho ne parvenait pas à dissimuler une certaine amertume.

Beauchamp le coupa sèchement :

— Ne vous comportez pas comme un jeune enseigne, Bolitho ! Je dois tenir compte des on-dit comme des faits. En tant qu’officier général, vous feriez bien de suivre mon exemple.

Il reprit son calme :

— Bien sûr que tout cela a été approuvé, bon sang ! Cette histoire, largement déformée et exagérée par les gens qui écrivent ce genre de choses, s’est répandue dans Londres comme une traînée de poudre. Si Ropars était entré en mer Baltique, il aurait fallu une intervention de la Providence pour le faire sortir de là. Avec ces soldats français, même en petit nombre, et avec tous ces bâtiments, l’alliance contre nature du tsar nous aurait pris à la gorge. On m’a dit, de source tout aussi sûre, que les plans d’invasion à partir des ports de la Manche étaient prêts, simultanément avec une sortie en masse de la Baltique. A présent, quelle que soit l’issue, notre victoire nous a donné un répit. Mais nous devons absolument être prêts avant que les glaces aient fondu autour des ports et des bases de Paul !

Bolitho se demandait comment les choses se seraient passées s’il avait eu affaire à un autre amiral de l’autre côté du bureau. Beauchamp savait se montrer rude lorsque besoin était, mais il était connu pour son honnêteté.

— Même dans ces conditions, poursuivit le petit amiral, certains critiques s’étonnent : pourquoi votre capitaine de pavillon n’a-t-il pas réagi lorsque le brick lui a appris que Ropars faisait voile vers l’Irlande ? Beaucoup de gens partagent cet avis. Le roi vient tout juste d’approuver la modification de notre pavillon pour tenir compte de notre union avec l’Irlande. A partir du 1er janvier, c’est-à-dire la semaine prochaine, il sera beaucoup plus difficile d’aller susciter une rébellion là-bas.

— Comme la suite l’a montré, amiral, le capitaine de vaisseau Herrick a agi sagement. S’il avait fait ce que vous suggérez, plus rien ne pourrait arrêter Ropars.

— Peut-être. Mais je vous en ai averti lorsque vous avez accepté ce poste : la jalousie n’est jamais très loin.

Quelqu’un toussa discrètement derrière les grandes portes et Beauchamp jeta un coup d’œil à la pendule.

— Vous devez être fatigué, après votre voyage.

L’entretien était terminé.

Bolitho se leva, pesa délicatement sur sa jambe. Il avait la cuisse engourdie, sans vie. Il attendit les premiers picotements avant de bouger, puis demanda :

— Désirerez-vous me revoir, amiral ?

— C’est possible. J’ai pris la liberté de vous trouver un logement, mon secrétaire indiquera l’adresse à votre aide de camp. A propos, que pensez-vous de lui ?

Bolitho marcha avec lui jusqu’à la porte. Il ne savait trop si l’amiral le soutenait ou bien s’il était en train de préparer le verdict.

— Je ne sais pas comment je ferais sans lui, amiral, répondit-il en le regardant droit dans les yeux. Il est extrêmement compétent.

— Et impertinent, lâcha Beauchamp en faisant la grimace, lorsque l’humeur lui en prend.

Il ajouta, la main posée sur la poignée :

— Les mois qui viennent vont être éprouvants, je dirais même critiques. Pour survivre, et je ne parle même pas de l’emporter, nous aurons besoin de tous les officiers de valeur, de tous les gens dévoués au service.

Comme Bolitho restait impassible, il ajouta :

— Vous savez ce qu’il en est de l’amiral Damerum, naturellement.

Je le vois à votre tête, c’est gros comme le nez au milieu de la figure. Mes espions m’ont rapporté que Browne était allé à la pêche aux renseignements, le reste s’en déduit facilement.

— Je n’ai pas l’intention de vous impliquer dans cette affaire, ni vous ni les fonctions que j’occupe, amiral.

— Je vous aime bien, Bolitho, j’admire votre courage et votre sens de l’humanité. Mais si vous y mêlez qui que ce soit, il n’y aura plus de fonctions, suis-je bien clair ? Vous êtes au-dessus de tout cela, à présent. Restez-y.

Il ouvrit la porte. Pleins d’espoir, six officiers qui faisaient antichambre s’approchèrent.

Browne se leva de la banquette sur laquelle il était assis et poussa un grognement. Il avait le visage couleur de cendres.

— J’ai l’adresse, amiral – et, pressant le pas pour suivre Bolitho : Cela s’est-il bien passé ?

— Si vous appelez ainsi le fait de se faire gronder comme un méchant garnement, alors oui. Si vous croyez que le fait d’obéir à n’importe quel ordre, même s’il vous est donné par un âne bâté, sans vous soucier de ce que vous croyez être vrai, alors trois fois oui, les choses se sont bien passées !

— Donc, fit Browne, abattu, cela n’a pas été un franc succès ?

— Non – Bolitho se retourna en bas des marches. Désirez-vous continuer à servir dans mon escadre ?

Il ne put s’empêcher de sourire en voyant la tête de Browne. Le jeune coq était assez effondré, totalement à bout de bord. Sa voisine de table avait dû se démener tant et si bien que le pauvre Browne en était resté sur le flanc.

— Oui, amiral, répondit Browne en se redressant – il consulta un bout de papier. Votre résidence n’est pas loin, je connais très bien Cavendish Square, Mais j’ai peur, amiral, ajouta-t-il d’une voix piteuse, que nous ne soyons pas du côté le plus élégant.

Allday les attendait près de la voiture en flattant les chevaux et en taillant une bavette avec le cocher.

Bolitho monta et serra son manteau autour de lui. Il revoyait la jeune femme, abandonnée contre lui pendant qu’ils se dirigeaient vers la propriété de Lord Swinburne. La voiture s’inclina un peu sur ses ressorts, Browne vint s’installer près de lui.

— Vous souvenez-vous de cette jeune personne, Browne ?

Browne le regarda froidement :

— Mrs. Laidlaw, amiral ?

— Oui – il avait failli répondre : « Naturellement. » Avez-vous trouvé où elle demeure ?

— Dans une maison qui appartient à un juge âgé, amiral. Si j’ai bien compris, il a une femme qui est aussi vieille que lui et tout aussi désagréable.

— Et alors ?

Browne en avait visiblement tâté. Il fit un geste d’impuissance :

— C’est tout ce que je sais, amiral. Le juge part souvent en tournée et n’est pour ainsi dire jamais chez lui – il respira un grand coup. La jeune femme est dame de compagnie chez la femme de ce juge, amiral.

— Seigneur Dieu !

Browne recula :

— Je… je suis désolé, amiral. Ai-je dit ou fait quelque chose qui vous a déplu ?

Bolitho ne l’écoutait pas. Dame de compagnie. La chose était commune en ce temps-là, certaines veuves n’avaient guère d’autre choix. Mais n’était-ce pas son cas ? Elle était jeune, débordante de vie, désirable. Il était soucieux, plein de colère. Rupert Seton avait offert de l’aider, il ne s’était en fait occupé que de son retour en Angleterre. Seton était riche, il aurait pu aisément subvenir à ses besoins et lui accorder sa protection. Voilà qui ne ressemblait guère au Seton qu’il avait connu, l’homme dont il avait aimé la sœur. Il ne parvenait pas à y croire.

Mais qu’y faire ? Une seule chose était certaine, il ne pouvait laisser les choses en l’état, dût-il passer une fois encore pour un imbécile.

La voiture s’arrêta devant l’entrée ornée de colonnades d’un hôtel assez élégant. Une nouvelle résidence de fortune, même si, à en croire Browne, ce n’était pas l’endroit le plus chic de la place. N’importe, la demeure était encore assez impressionnante.

Browne fit un bref signe de tête à deux domestiques qui descendaient à la hâte l’escalier pour les accueillir. Il demanda :

— Avez-vous besoin de moi, amiral ?

— Non, allez vous reposer. Lorsque vous vous serez remis de votre orgie, je vous demanderai d’aller porter une lettre.

— Une lettre ?

Browne hocha la tête, le regard vide.

— Est-ce bien raisonnable, amiral ?

— Il est probable que non. Mais, pour l’instant, je trouve que je n’ai guère besoin de faire appel à la raison.

Tandis que les domestiques montaient les coffres dans le hall, Allday regardait Bolitho.

Je vous aime mieux comme ça, capitaine. Ils veulent la bagarre, vous avez qu’à leur en donner, bon sang de bois !

Il se retourna en entendant une voix de femme qui demandait :

— Voulez-vous prendre un petit en-cas, monsieur ?

Allday l’examina rapidement : convenable. C’était sans doute la cuisinière. Elle avait une bonne grosse figure, ses bras potelés étaient blancs de farine. Elle avait l’air gentil et avenant.

Il répondit nonchalamment :

— Appelle-moi donc John, chérie – et, posant la main sur son bras nu : J’te donnerai un coup de main, si tu veux. Tu sais ce qu’on raconte sur les marins…

La porte de la cuisine se referma sur eux.

 

Le capitaine de vaisseau Thomas Herrick dégustait lentement une chope de bière forte. Il parcourut du regard la pile de papiers et de registres qui attendaient.

C’était bizarre, sentir le Benbow si tranquille. Ce calme, ajouté à toute la besogne qu’il avait abattue et à la bière, lui fermait les yeux.

Se retrouver mouillé dans la grande rade abri de Portsmouth n’avait rien à voir avec le mouillage agité du Solent ni avec ce qu’il avait connu avec l’escadre sous la pointe du Skaw.

Il vérifia pour la centième fois l’état des travaux et des opérations de ravitaillement. Il essayait de trouver une erreur, de repérer quelque oubli.

Herrick se sentait fier de ce que lui-même et son équipage avaient réalisé, et il y avait de quoi. Pour la plupart d’entre eux, les choses n’avaient pas été faciles : travailler sans relâche, tout en sachant que plus loin, au-delà de la ville et dans tout le pays, les autres célébraient Noël avec ce qu’ils avaient sous la main.

Herrick avait payé de sa poche pour offrir à ses marins et aux fusiliers quelque chose qui ressemblât un peu à une fête. Quelques-uns d’entre eux s’étaient soûlés au point qu’il avait fallu y mettre le holà. Mais, après coup, il trouvait que cela en valait la peine. Lorsque les hommes avaient repris le travail, il avait senti très nettement un changement, comme si son bâtiment n’était plus que chansons d’un bout à l’autre.

Il pensait à son épouse qui l’attendait à terre, lorsqu’il aurait terminé sa journée. Tout cela était encore tout beau tout nouveau pour lui. Ils étaient descendus dans une petite auberge très confortable dont il connaissait le patron et la patronne. Ils avaient un appartement à eux, dans lequel il partageait avec Dulcie ses rêves et ses espérances.

Il poussa un grand soupir et revint à ses listes et à ses registres. Le cahier des travaux en cours, les rôles, l’état des approvisionnements, l’artillerie, la toile, ces petits détails de toute sorte qui sont le nerf d’un vaisseau de ligne.

Herrick avait souvent pensé à Bolitho, en se demandant comment se passait son séjour à Londres. Il savait que Bolitho ne s’était jamais senti à son aise dans la capitale. Comme il le lui avait dit une fois, il n’aimait guère ces rues pleines de crottin, cette ville empoisonnée par ses propres excréments. Les rues étaient si envahies par les véhicules de toutes sortes que les riches faisaient répandre de la paille sur les pavés devant chez eux pour étouffer le vacarme des roues cerclées de fer.

Il avait souvent repensé aussi à leur combat contre cet amiral français, Ropars. Avec Bolitho, Herrick avait vu la mort de près à maintes reprises, mais les choses semblaient aller de pis en pis d’une fois sur l’autre. Il revoyait sans peine Bolitho debout sur le passavant du Benbow, agitant son chapeau pour énerver les tireurs d’élite français, pour donner à ses marins du cœur à l’ouvrage alors qu’ils se croyaient perdus.

Trop d’hommes avaient péri ou avaient été blessés ce jour-là. Les officiers de Herrick avaient écumé les rues de Portsmouth et au-delà, jusque dans les fermes et les villages du Hampshire, afin d’y débusquer des hommes. Herrick avait même fait imprimer des placards que l’on distribuait dans les auberges, sur les marchés couverts des villages, où des gens ayant un peu d’instruction pouvaient convaincre quelqu’un de s’engager dans la marine ou l’y forcer.

L’Implacable avait jeté l’ancre dans l’après-midi après avoir été relevé par le Styx que l’on avait remis en état à la hâte. On avait échangé des dépêches, embarqué quelques matelots. La marine ne vous donnait guère le temps de vous reposer ou de vous plaindre. Il jeta un coup d’œil au pavillon tout neuf que les boscos avaient apporté à l’arrière pour le lui montrer. C’était leur nouveau pavillon, on y avait ajouté la croix de Saint-Patrick et tous les autres bâtiments avaient reçu le même. Changer de pavillon paraissait à Herrick, qui était avant tout un esprit pratique, une perte d’énergie, à l’heure où le monde était en train de se détruire lui-même.

Yovell, le secrétaire de Bolitho, entra à pas feutrés dans la chambre, avec une nouvelle liasse de papiers qu’il apportait à la signature. Assisté du secrétaire personnel de Herrick, Yovell avait abattu un travail énorme. Herrick détestait la paperasserie et cette nécessité où il était de rédiger des phrases précises afin qu’aucun fournisseur ne pût les interpréter de travers.

— Il y en a encore ?

— Pas beaucoup, commandant, répondit Yovell dans un sourire. Voici un document qui doit partir avec le courrier de Londres.

A contrecœur, Herrick y jeta un coup d’œil. Une autre chose à laquelle il avait du mal à s’accoutumer : diriger son propre bâtiment était déjà assez prenant, mais, en tant que capitaine de pavillon, il devait également se consacrer aux affaires de l’ensemble de l’escadre, ce qui incluait L’Implacable.

Le commandant Peel l’avait informé que son troisième lieutenant, blessé à la jambe lors du combat contre l’escadre ennemie, avait dû être amputé. On l’avait transporté à l’hôpital maritime de Haslar.

Peel demandait qu’on lui désignât immédiatement un remplaçant, car aucun de ses aspirants n’était assez ancien pour pourvoir le poste. L’Implacable espérait lever l’ancre pour rejoindre l’escadre sans délai. Herrick avait immédiatement pensé à Pascœ, avant d’y renoncer. Bolitho ne rentrerait pas avant plusieurs jours, plusieurs semaines peut-être. Muter ce garçon dans ces conditions n’aurait pas été très élégant.

Yovell attendait, impassible.

— Dois-je préparer une lettre pour le major général, commandant ?

Herrick se frottait le menton. Il y avait au port plusieurs vaisseaux de guerre qui réparaient les avaries causées par la tempête ou la guerre. L’un d’entre eux aurait bien un jeune officier qui ferait l’affaire et qui donnerait n’importe quoi pour embarquer avec le commandant Peel.

— Je vais y réfléchir.

Il savait sans le regarder que Yovell hochait tristement du chef. Il aurait pu dire un mot à Peel, l’inviter à dîner avec Dulcie. Herrick s’éclaira subitement : elle, elle saurait quoi faire. Il avait acquis tant de confiance en elle qu’il n’arrivait pas à y croire.

Il se leva, gagna la cloison. Après avoir essuyé la buée, il examina le port. On était au milieu de l’après-midi, mais il faisait déjà presque nuit. Il avait du mal à distinguer les deux gros trois-ponts mouillés par son travers et on apercevait déjà des fanaux qui dansaient sur l’eau, des embarcations qui faisaient des allers et retours avec la terre.

Encore une journée, puis il faudrait bien qu’il se décide à écrire cette dépêche importante.

Me trouvant sous tous rapports paré à prendre la mer…

Après ce séjour au port, la chose allait être dure à avaler.

Quelqu’un frappa à la porte, c’était Speke, le second lieutenant. Il passa par-dessus l’hiloire, ses yeux brillaient à la lueur de la lampe.

— Qu’y a-t-il ?

Speke jeta un rapide coup d’œil au secrétaire et Herrick lui dit :

— Plus tard, Yovell, laissez-nous.

L’air froid de Speke avait chassé le sentiment de satisfaction et de confort qu’il éprouvait.

— Je crois que Mr. Pascœ a des ennuis, commandant.

— Vous croyez quoi ? répondit Herrick en le fixant. Allez, crachez le morceau !

— Il était officier de quart, commandant. Je l’ai relevé lorsqu’il a demandé l’autorisation de descendre à terre. Il m’a dit que c’était urgent – il haussa les épaules. Il est sans doute jeune, mais il a plus d’expérience que bien d’autres. Je ne lui ai pas posé de question.

— Poursuivez.

Herrick dut se forcer à s’asseoir et à paraître calme, comme il avait vu Bolitho le faire si souvent.

— Nous avons eu une allège le long du bord, une citerne à eau douce, pendant la plus grosse partie de la journée, commandant. Quand elle a largué, il est apparu que l’un des hommes de corvée était parti avec elle. Désertion. M. l’aspirant Penels dirigeait la corvée. Juste une poignée de nouveaux embarqués. J’ai fait rapidement l’appel et j’ai découvert que l’homme manquant était Babbage, celui que vous aviez fait punir, commandant.

Herrick le regardait, l’air sombre :

— Vous suggérez que cet aspirant a aidé Babbage à filer ?

Speke soutint froidement son regard :

— Oui, commandant. Il l’a reconnu, mais seulement après que Mr. Pascœ fut descendu à terre. Il avait tellement honte de ce qu’il avait fait, il pensait qu’il devait l’avouer à Mr. Pascœ. Quel imbécile ! De toute manière, Babbage se fera reprendre et terminera en bout de vergue. Pour l’instant…

— Pour l’instant, monsieur Speke, le troisième lieutenant est allé à terre pour essayer de récupérer le déserteur, pour essayer de le ramener à bord avant qu’on ait découvert son absence ?

— C’est exact, commandant. Si Penels n’avait pas…

— Allez le chercher.

Herrick resta là à s’agiter dans son siège, il se sentait comme un poisson pris dans une nasse. Pascœ avait dû réagir de la même façon. Qu’aurait fait Bolitho ? Ce que j’aurais fait à sa place. Dans le temps.

Speke arriva en poussant devant lui un gamin terrorisé et poussa la porte en lui disant, plein de colère :

— Vous pouvez remercier les astres que ce soit moi qui ai tout découvert et non le second. Mr. Wolfe vous aurait coupé en deux.

— Doucement ! – le ton de Herrick le fit taire. Qu’avez-vous trafiqué avec ce Babbage ?

— Je… je croyais juste que je pouvais l’aider, commandant. Après tout ce qu’il avait fait pour moi, chez nous – Penels reniflait, il était au bord des larmes. Il avait si peur de subir encore le fouet. Il fallait que je l’aide, commandant.

— Et vous a-t-il dit où il allait ? – Herrick se sentait à bout de patience. Allez, mon garçon, Mr. Pascœ est peut-être en grand péril. Et il a tenté de vous aider, souvenez-vous-en.

Herrick détestait ce qu’il était en train de faire, le désespoir et la honte auxquels il acculait ce gamin, mais il savait aussi que le pire était à venir.

Penels répondit d’une petite voix :

— Il m’a dit qu’il voulait aller à un endroit qui s’appelle Les Raisins. C’est un vieux marin qui lui en avait parlé.

— Un vrai coupe-gorge, commandant, grommela Speke. Même la presse ne s’y rend qu’en escouade ; à moins d’hommes, ils n’osent pas.

Penels, au fond du désespoir, poursuivit :

— Il devait attendre là-bas que je lui trouve un peu d’argent. Après, il voulait regagner la Cornouailles.

Herrick regarda sa chope : il avait eu beau la vider, il avait la gorge desséchée.

— Mes compliments au major Clinton, demandez-lui de venir me voir.

Speke se précipita, Herrick reprit :

— Bon, Penels, vous avez eu au moins la sagesse de raconter à Mr. Speke ce que vous aviez fait. Ce n’est pas grand-chose, mais cela peut faciliter la suite.

Le fusilier arriva :

— Que puis-je faire pour vous aider, commandant ?

Il n’y eut pas que Clinton pour s’apercevoir que l’aspirant était écroulé, Herrick aussi devina que Speke lui avait raconté ce qui s’était passé, Et il était probable que la nouvelle avait déjà fait le tour du bord.

— Mr. Pascœ est aux Raisins, major. Vous connaissez ?

Clinton hocha la tête :

— Un peu, que je connais, commandant ! Avec votre permission, ajouta-t-il, je souhaite descendre à terre sans tarder. Je vais emmener Mr. Marston et quelques-uns de mes gars.

— Merci, major, je vous en suis très obligé.

Un peu plus tard, il entendit des appels, des grincements de palans : on mettait la chaloupe à l’eau. Puis des bruits de godillots, les fusiliers tout surpris qui accouraient aux ordres de Clinton.

Pendant un long moment, Herrick resta là à contempler l’aspirant, qu’il avait en face de lui et qui reniflait. Il lui dit enfin :

— J’accepte de vous garder à mon bord, comme une faveur que je fais à un vieil ami. Quant à ce que cette aventure lui fera, sans parler de votre mère, je n’ose l’imaginer. A présent, descendez et allez vous mettre aux ordres de l’aide-pilote.

Tandis que Penels se dirigeait vers la porte comme un aveugle, Herrick ajouta tranquillement :

— Pendant que vous serez dans votre couchette, songez bien à ceci : un jour, vous aurez sous vos ordres des hommes dont le sort dépendra de votre jugement. Demandez-vous en conscience si vous en êtes digne.

Yovell arriva comme l’aspirant s’en allait.

— Sale affaire, commandant.

Herrick jeta les yeux sur l’écriture ronde, chercha l’endroit où il devait signer.

— Je vais envoyer un message à ma femme. J’ai bien peur de ne pas descendre à terre ce soir.

Il guettait les bruits de la chaloupe, mais elle avait déjà poussé et s’éloignait du Benbow.

 

Pascœ s’engagea dans une nouvelle rue étroite. Un fort vent soulevait les pans de son manteau de mer. Il ne connaissait guère Portsmouth, mais l’officier de garde lui avait expliqué où se trouvaient Les Raisins. L’officier lui avait suggéré de se tenir à l’écart de cette bouche de l’enfer, comme il disait. Pascœ lui avait raconté qu’il avait rendez-vous avec un détachement de marins en armes et qu’il comptait mettre la main sur quelques recrues. De manière surprenante, l’autre avait gobé son mensonge et n’avait même pas paru tant soit peu intéressé. Un homme assez sot pour espérer trouver des recrues à Portsmouth devait avoir une chance de pendu.

Les rues se ressemblaient toutes : étroites, pleines d’immondices, mais habitées. Il y avait des gens aux encoignures des portes et sous les voûtes, aux fenêtres. Du moins les entendait-on. Des rires d’ivrognes, des cris stridents, des jurons, comme si ces misérables demeures et leurs habitants donnaient de la voix.

Une fille lui effleura l’épaule comme il passait près d’elle. Même dans l’obscurité, on devinait qu’elle n’avait guère plus de quatorze ou quinze ans. Pascœ la repoussa et l’entendit qui le poursuivait de ses cris aigus :

— Espèce de salopard ! J’espère que les Français t’arracheront les couilles !

Et soudain, il se trouva devant l’endroit. Un bâtiment carré, sombre, protégé de chaque côté par des maisons plus basses. La rue jonchée de détritus répandait une odeur de porcherie.

Pascœ avait connu la pauvreté. Lorsqu’il était aspirant, il avait su ce qu’était une vie rude, et au-delà. Mais cette misère et cette saleté gratuites, sans nécessité, étaient répugnantes.

Il leva les yeux vers une enseigne dont la peinture s’écaillait, au-dessus de la porte. La pluie lui giflait le visage, cognait sur son chapeau. Les Raisins.

Il assura son sabre sous son manteau puis cogna du poing contre la porte.

Un judas glissa de l’autre côté, comme si on faisait le guet.

— Oui ? Qui est-ce ?

Les yeux examinaient Pascœ de droite à gauche, au-delà de ses épaules, mais l’homme put vérifier qu’il n’était pas accompagné de marins en armes ou de fusiliers et parut satisfait.

— Un jeune monsieur, c’est ça ?

La seule voix de cet homme rendait Pascœ malade.

— Alors, t’as perdu ta langue, hein ? Très bien, on va te le faire cracher, ton nom !

Le volet se referma avec un bruit sec et, quelques secondes après, la grande porte s’ouvrait. Pascœ entra. Il eut l’impression de se faire engloutir, de suffoquer.

La maison avait dû être belle, songea-t-il. De grands escaliers, abîmés et couverts de poussière. Des tapis également, qui avaient été beaux et épais, mais pleins de trous et de taches à présent. Peut-être la demeure d’un négociant, lorsque Portsmouth vivait du commerce avant d’être ruinée par les Français et les corsaires, trop proches pour que l’on pût mener ses affaires en paix.

Une femme gigantesque sortit d’une pièce. Elle était grande, musclée, sans l’ombre de la moindre féminité. Ses cheveux emmêlés, la bouche qui rayait sa figure d’un grand trait rouge la faisaient ressembler à un laboureur qui s’est travesti pour la fête du village.

Le portier annonça d’une voix mielleuse :

— Un officier, madame !

Elle s’approcha de Pascœ en le fixant de ses gros yeux enfoncés dans le crâne. Elle lui faisait la même impression que la maison, on eût dit qu’elle allait vous engloutir. On voyait la peau de sa gorge à moitié nue, on ressentait une impression de pouvoir. Il recevait ses effluves, mélange de gin et de sueur.

— Alors jeune homme, on est de la presse ? commença-t-elle en lui mettant la main sous le menton et en le regardant d’un œil soupçonneux. Joli garçon. Mais non, on était venu pour s’amuser un peu, pas vrai ?

Pascœ répondit lentement :

— Je crois qu’un homme se cache ici – et, surprenant un éclair menaçant dans ses yeux : Je ne cherche pas les ennuis. Si j’arrive à le ramener à bord, il n’aura rien à craindre.

Elle se mit à pouffer, doucement d’abord, puis elle éclata d’un rire tonitruant qui emplit le hall.

— Rien à craindre ? Elle est bien bonne celle-là. Pas vrai, Charlie ?

Le portier bredouilla, un peu gêné :

— Oui, madame.

Pascœ resta immobile tandis qu’elle déboutonnait son manteau et dégageait ses épaules.

— J’ai deux belles filles pour toi, l’officier.

Mais on avait le sentiment qu’elle restait sur la défensive, comme si elle-même était impressionnée.

Pascœ mit la main gauche sur son sabre, le dégaina très lentement jusqu’à le sortir complètement de son fourreau. Il la fixait droit dans les yeux, sans ciller, il savait qu’il y en avait d’autres juste à côté, prêts à lui sauter dessus s’il essayait d’utiliser son sabre. Il le fit tourner dans sa main et le lui tendit, la garde en avant.

— Vous voyez ? A présent, je suis désarmé.

Elle passa négligemment la lame au portier aux yeux exorbités et fit :

— Viens avec moi, chéri. Un verre de vin de Genève pendant que je réfléchis. A propos de cet homme que tu essaies d’aider… – elle ne put réprimer un sourire – … son nom ?

— Babbage.

— Et tu es Mr. ?…

La main crasseuse d’une fille sortit de l’ombre, et Pascœ prit le verre de vin qu’on lui tendait.

— Pascœ, madame.

— Par l’enfer, je te crois ! Reste ici, chéri, dit-elle en quittant la pièce. Je ne vais pas te dire que je connais cet homme. Mais s’il est ici, sans que je sois au courant, naturellement, je vais lui parler de toi – elle pivota et, le regardant, l’air dur : T’inquiète pas, mon joli. Il se tirera pas si je lui permets pas.

Il faisait chaud dans la pièce aux remugles de moisi et pourtant, Pascœ sentait une sueur glacée lui dégouliner le long de la colonne vertébrale. Il faisait quelque chose de stupide, de complètement fou. Et pour quoi faire ? Pour venir en aide à Penels ? Ou bien pour se prouver à lui-même qu’il en était capable ? Il n’avait plus de sabre, il risquait de se faire sauter dessus d’un instant à l’autre, on lui couperait la gorge pour le maigre trophée que constituaient ses habits.

Tandis qu’il attendait là, il entendit soudain de l’agitation dans la maison. Des sons étouffés, des murmures. Toutes les chambres doivent être occupées, se dit-il.

Il se tourna vers la fille qui tenait la bouteille de gin en grès serrée contre sa poitrine. Elle était décharnée, les yeux vides, épuisée et sans doute malade, pour ajouter à son misérable état.

Elle lui rendit son regard, lui fit un sourire en laissant négligemment tomber sa robe sur son épaule. Mais cela la rendait plus digne de pitié que provocante.

Une porte s’ouvrit à la volée et il entendit des voix masculines en haut des marches, des voix pleines de colère et d’inquiétude.

Pascœ s’approcha de l’escalier et leva les yeux. Il y avait trois hommes sur le palier, plus un quatrième, recroquevillé contre le mur. Babbage.

Le plus gros des trois montra Pascœ du doigt et aboya :

— C’est lui ?

Pascœ remarqua qu’il portait un pantalon blanc et une chemise d’officier de marine. Il ne se l’expliquait pas, mais fut soulagé de constater qu’il n’était pas complètement seul.

— Oui monsieur, fit Babbage d’une voix rauque, c’est Mr. Pascœ.

L’homme descendit lentement les marches. Il avait entre vingt et trente ans, était solidement bâti avec d’épais cheveux bouclés et un visage dur, agressif.

— Bien, bien, bien – il s’arrêta sur la dernière marche et resta là à se balancer sur les talons. Je m’apprêtais à vous rendre visite, monsieur Pascœ, mais je n’aurais jamais imaginé que vous tomberiez du ciel de cette façon.

— Je ne comprends pas…

L’homme se retourna et fit un grand signe à ses compagnons :

— Encore que l’endroit soit de ceux qui conviendraient assez bien à Mr. Pascœ, c’est pas votre avis, les gars ?

Ils se mirent à rire, l’un d’eux empoigna Babbage qui essayait de se défiler. Sa bouche était ensanglantée, il avait visiblement été battu.

— Je vous ordonne de me remettre cet homme, qui que vous soyez !

— Il m’ordonne ! Ce jeune homme déguisé en officier du roi me donne un ordre !

La tenancière s’avança pour s’interposer entre les hommes et Pascœ.

— Laissez-le tranquille, bon Dieu, fit-elle, visiblement en colère. Il n’est pas dangereux.

— Oh, pour ça, j’en suis bien certain, Ruby ! La propre mère de Mr. Pascœ était une putain et, quant à son salaud de père, il a trahi son pays. Alors qu’est-ce que tu voudrais qu’il fasse ?

Pascœ se raidit, encore sonné par ce qu’il venait d’entendre. Il tremblait de tous ses membres, la haine et la colère lui fouillaient les entrailles comme des pinces.

Non, ce n’était pas possible, il rêvait la scène, voilà tout. Pas ça maintenant, après tout ce temps, après les espoirs fous, les années de dissimulation !

La femme le regardait, visiblement inquiète.

— Vous feriez mieux de partir d’ici, et vite fait. Je ne veux pas d’ennuis chez moi, j’en ai déjà bien assez comme ça.

Pascœ la repoussa. Il ne distinguait plus rien que ce visage hilare qui le dominait, dans l’escalier.

— Eh bien, monsieur Pascœ… – l’homme savourait son plaisir – … votre oncle protège-t-il toujours le bâtard de son frère ?

Pascœ fonça en avant et lui balança le poing dans la figure. L’homme vacilla sous le coup de la surprise et du choc, Pascœ avait frappé si fort qu’il en avait mal au bras. Mais le visage n’avait pas bougé. Sous la violence inattendue du coup, la lèvre saignait.

— Eh bien à présent, vous m’avez frappé – il se tamponnait la lèvre, ses yeux étaient toujours dissimulés dans l’ombre. Etre touché par des gens de votre espèce, c’est comme attraper la peste ! Je pense que nous allons pouvoir régler tout cela, enfin, si vous avez appris à faire le gentilhomme !

Pascœ prit ce défi avec un calme surprenant. Ou bien était-ce de la résignation ? Il s’entendit articuler :

— Au sabre ?

— Non, je ne crois pas.

L’homme se tamponnait toujours la lèvre, fixant Pascœ comme pour jauger sa résistance, le mal qu’il lui avait fait.

— Je pense que le pistolet serait plus convenable. Mais, avant que nous nous séparions…

Il claqua des doigts, Pascœ se retrouva les bras coincés contre le corps.

— … je vais vous donner une petite leçon d’éducation.

Mais il vacilla, bousculé sans s’y attendre par Babbage qui jaillit entre eux, les mains sur la tête, en essayant de gagner la porte. Il l’ouvrit dans un effort désespéré et disparut.

Pascœ se raidit pour encaisser le coup qu’on lui envoyait dans l’estomac.

Il entendit à peine des bruits de course, une sommation puis le claquement d’un mousquet.

Le major Clinton s’encadra dans la porte, jouant avec sa canne.

— C’était Babbage. Mes hommes ont fait les sommations, mais il a continué à courir.

Il attendit que les autres eussent libéré Pascœ avant de poursuivre :

— Vous êtes arrivé trop tard pour lui, monsieur Pascœ – puis se tournant vers l’homme à la lèvre fendue : Mais vous, monsieur Roche, vous étiez là à l’heure ?

L’homme qu’il avait appelé Roche haussa les épaules.

— Juste une idée comme ça, major. Si l’on ne nous interdit pas de fréquenter cet endroit…

— Videz les lieux, cria Clinton ! Et je me moque de savoir que vous servez dans l’état-major de l’amiral. A la guerre, votre courage ne tiendrait peut-être pas longtemps !

Les trois hommes prirent leurs manteaux et disparurent, mais Pascœ eut le temps de voir que Roche était lieutenant de vaisseau, comme ses compagnons.

— Je suis désolé de vous avoir mêlé à tout cela, monsieur.

Pascœ suivit le major sur le pavé mouillé. Marston, le lieutenant de Clinton, attendait près d’un cadavre étendu par terre avec un groupe de fusiliers. Pour Babbage en tout cas, tout était fini.

— Je ne veux pas discuter de cela maintenant, répondit Clinton.

Il ordonna à ses hommes :

— Débarrassez-vous de ce corps – puis, rejoignant Pascœ, la mine sombre : Roche appartient à l’état-major du major général. Il n’a plus aucun espoir de promotion, mais c’est un homme dangereux. Vous a-t-il provoqué en duel ?

— C’est là un sujet que je ne souhaite pas aborder, monsieur.

Clinton se souvenait de la tête de Herrick. Il n’était pas du même avis.

 

Cap sur la Baltique
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